Créations en ateliers d’écriture

ÉCRITURE DE CHANSONS

Une chanson écrite par/avec les 6ème A du collège Paul Valéry de la Porte Dorée, à Paris, sur le thème du voyage.
Des rencontres fortes, où on a parlé d’exil, de guerre, d’enfance, de famille,
de perte et de retrouvailles, de mort, de mariage, d’imagination, de lune, de rêves.
De vie.
Cette chanson a remporté le Prix de la Fondation Seligmann en 2016 « contre le racisme pour le vivre ensemble ».
Bravo aux 6èmes A du collège Paul Valéry !

UN VOYAGE, UNE HISTOIRE

REFRAIN
Tous les jours, toutes les heures, toutes les secondes
Des gens vont parcourir le monde
Sur les mers, sur la terre et dans les airs
Voyage dans l’ombre et la lumière

Alice au pays des miroirs
à la recherche d’autres histoires
Je suis chenille dans ma maison
sur la route je suis papillon
Voyage au pays des nuages
Ici on vient sans nos bagages
Loin des ennuis, loin d’la routine
Plus besoin d’cachet d’aspirine

Mais parfois l’orage arrive
comme un mauvais emballage
Mais parfois l’horreur arrive
et fait fuir le paysage

Hier j’ai fêté mes dix ans
et je vais quitter mon pays
des hommes-guépards l’ont envahi
allez, venez, partons d’ici !
Il est temps de faire ses bagages
je ne veux voir plus de canon
adieu pauvre famille en cage
la tristesse voile mon visage

REFRAIN
Tous les jours, toutes les heures, toutes les secondes
Des gens vont parcourir le monde
Sur les mers, sur la terre et dans les airs
Voyage dans l’ombre et la lumière

Ne m’app’lez plus mademoiselle
ce soir je pars en lune de miel
sous le soleil de Faranah
je vais danser le Tiriba
Un voyage de noces en Guinée
C’est ici qu’on s’est rencontrés
Il y a de ça quelques années
sur un rythme de djembé

Mais parfois l’orage arrive
comme un mauvais emballage
Mais parfois l’horreur arrive
et fait fuir le paysage

J’habitais dans un bidonville
Gangs, favelas, trop de périls
Là-bas on s’isole, on s’exile
tout en restant immobile
Quand le cyclone a tout détruit
et emporté tous mes amis
je suis parti, j’me suis enfui
très loin à l’autr’ bout du pays

REFRAIN
Tous les jours, toutes les heures, toutes les secondes
Des gens vont parcourir le monde
Sur les mers, sur la terre et dans les airs
Voyage dans l’ombre et la lumière

Je voudrais aller sur la lune
comme deux hommes y sont arrivés
J’imagine le coucher de terre
et aussi tous ces gros rochers
Là-haut grâce à l’apesanteur
toutes les choses pèsent six fois moins
ce serait bien que les malheurs
ne pèsent plus sur aucun cœur

Mais parfois l’bonheur arrive
comme un joli emballage
Mais parfois la vie arrive
et fait revenir le paysage

Un cheval magnifique m’emporte
dans un avion à réaction
ou bien par téléportation
devant moi s’ouvrent d’autres portes
Un paysage dans mon crayon
le plus beau des voyages, c’est l’imagination
un paysage dans mon crayon
le plus beau des voyages, c’est l’imagination

 

UN AUTRE EXEMPLE D’ÉCRITURE ET MUSIQUE

L’atelier des Ogres est projet réalisé aussi grâce à la Maison des Arts de Créteil.
C’est le résultat étonnant d’une expérience croisée d’aventures d’écriture (moi-même), de percussions (le batteur et percussionniste Xavier Barreau) et de chant (le chanteur et compositeur Lo Glasman). Cet atelier avait pour but la création d’un conte musical autour du thème de la peur à partir de propositions simples : rythmiques, jeux vocaux, improvisations vocales.

Le projet s’est articulé en 4 étapes réparties en 5 séances de 2 heures. Il a débuté avec une expérience musicale pour susciter l’imaginaire, faire surgir les mots de la musique et la musique des mots. A l’issue de cette séance sont apparus l’ambiance, les personnages, l’histoire. Il s’agissait alors de structurer toutes ces idées, ces émotions, ces sons, ces mélodies et rythmes, surgis de cette première expérience musicale pour parvenir à la réalisation d’un petit conte.

L’atelier des ogres s’inscrivait dans le droit fil des Chartes d’action artistique. Trois classes de sixième à projet artistique et culturel ont participé à l’écriture de ce conte musical et l’ont présenté à la Maison des Arts de Créteil le 4 février 2003 : le collège Jules Ferry de Maisons Alfort, le Collège Schweitzer de Créteil et le collège Paul Valéry de Thiais.
Ce projet a été l’occasion de transmettre plusieurs notions clefs et en particulier :

– L’intérêt d’articuler deux aspects à priori contradictoires du processus de création : le foisonnement créatif et l’organisation d’un récit.

– Faire vivre en miniature l’expérience du spectacle et donner l’envie d’en découvrir d’autres : les élèves découvriront 3 spectacles programmés à la Maison des Arts de Créteil sur la saison 2002/2003 autour du thème des peurs.

– L’aspect pluridisciplinaire, musical et collectif de l’atelier a permis aussi d’insister sur l’écoute de soi et l’écoute des autres.

Les cartes maléfiques

Angélus le Copiteur

Georges et les arbres qui marchent

Pour découvrir deux autres aventures liant écriture et musique, je vous invite à lire aussi deux projets de contes musicaux écrits en résidence : La vie Bretzel et Les pontgolfiers.

 

ÉCRITURE, SOUVENIRS D’ENFANCE ET SOUVENIRS D’EXIL

Drôle de voyage autour du moi que ce voyage au Lycée Blériot.
Un projet initié par la Merise – le Grenier à sel, le centre culturel de Trappes.
Elles, nous, un professeur, un écrivain.
Dix femmes autour d’une table
Dix femmes autour d’un thème
Dix femmes autour du monde
Mali, Algérie, Maroc, Congo, Turquie, Sri Lanka.
Il suffit d’égrener les prénoms pour écrire un poème
Gercya, Havva, Khema, Ouarda, Samantha
Aïssita, Sanet, Prescillia, Stéphanie, Sakona
Assez vite la confiance s’installe. Elles sont là, étonnantes, émouvantes, prêtes à jouer, ouvertes à l’aventure intérieure.
On veut parler de nous, m’ont-elles dit.
Déjà les voilà parties, “c’était mon pays, c’était mes parents”, “lorsque j’étais enfant”, les voilà parties à cuisiner les mots, mots doux ou cris retenus, douleurs secrètes ou rires déployés sur la feuille, alchimie des regards.
Leur groupe forme une étrange famille informelle, on les sent complices, parfois presque fusionnelles. Elles aiment à imaginer un futur commun, elles se taquinent, se cherchent, mains qui se lient parfois quand l’une d’elles tangue, elles sont dix sur le navire des mots et ne laisseront aucune d’entre elles à la mer.
Belle rencontre pour l’écrivain que je suis, dans l’inattendu de la richesse humaine.
Dix visages que j’emporte,
dix visages qui s’ouvrent aujourd’hui devant vous,
dix portraits à fleur de mots…

Dis-moi, dix mois, à découvrir ici.

 

ÉCRITURE ET THÉÂTRE

Igor et caetera.
Au départ, il y a la pièce inachevée de Laurent Javaloyes et la troupe du théâtre des Lucioles. Inachevée, car son auteur est mort trop tôt, à 34 ans, avant d’avoir écrit la fin.
Igor et caetera, c’est un conte musical déjanté, des fragments de vie, des filaments de rêves d’un enfant devenu adulte ou d’un adulte redevenu enfant, des filaments de cauchemars aussi, le sourire grimaçant des souvenirs, le tout porté par la musique omniprésente des Portugaises Ensablées.
Alors il y a cette idée folle de Géraldine Garin à la Maison des Arts de Créteil…
La pièce se joue déjà malgré tout, certes, mais pourquoi ne pas imaginer une fin autour d’un atelier ? Une fin pour continuer ce pont suspendu laissé par Laurent Javaloyes ?
Une fin à écrire avec des ados.
Une fin à écrire avec des étudiants de licence.
Une fin que, d’autres ados encore, joueraient, pour que le pont tienne. Une fin après la mort.
Mais comment s’imprégner de l’univers d’un auteur, comment se nourrir de son style sans plagier, comment poursuivre sans trahir, comment oser triturer, construire, prolonger ?
Les jeunes “écrivants” ont fait preuve d’un respect magnifique. Ils ont pris à coeur leur rôle dans la poursuite de ce texte qui leur parlait et les remuait.
Igor et caetera a été une aventure très forte. Une histoire de relais.

Igor et caetera, à découvrir par ici, par là, et encore là.

 

Territoires intimes
Sommes-nous voyeurs ou en attente ?
Somme-nous capables de vivre ensemble ou avons-nous décidé de ne rien dire ?
Ici ou ailleurs ?
Tous ces textes, ces parcours de vie, sont des instantanés de l’intime.
Des créations croisées, des passerelles entre :

– L’écriture, deux classes d’écrivains au lycée Léon Blum (Mme Amara) et Eugène Delacroix (Mme Ayoub) qui ont donné naissance à divers textes théâtraux et saynètes : Territoires intimes et Tranches de vies et territoires intimes.

– La mise en scène théâtrale, avec Sylvia Conti et de nombreuses rencontres artistiques à la MAC lors de la saison 2005.

– Et la vidéo (Julien Nesme et Victor Fajnzylber) deux classes de théâtre et vidéo, du lycée Gutenberg et D’Arsonval.
Le projet est né de la volonté conjointe d’enseignants de ces établissements partenaires et de la Maison des Arts de Créteil et a fait l’objet d’une présentation à la MAC le 24 mai 2006.

 

ÉCRITURE ET MARIONNETTES, ÉCRITURE ET CINÉMA

Le projet Titus Andronicus.
Violence d’hier, d’aujourd’hui, de demain, violence criée, désignée, affichée, graffitée, surmédiatisée, galvaudée. 11 septembre, 12 septembre, 13 septembre, 14 septembre…
Mais l’art repousse toujours là où l’herbe a été arrachée et les graffs multicolores sur le Mur de Berlin étaient beaux.
Avec Titus Andronicus, Shakespeare a atteint le stade ultime de l’exutoire théâtre cathartique, jubilation de la transgression du crime poussé jusqu’au grotesque dérision du chaos, de l’outrance et de l’absurdité humaine.

J’ai assuré la direction littéraire du projet Fureur d’écrire en collaboration avec la Maison des Arts de Créteil. Le propos était de s’interroger sur cette violence et de la transformer en tension créatrice, d’écrire une petite pièce de théâtre pour marionnettes entre barbarie et barba-rire entre le cauchemar et la réalité, la satire et le tragique, et un scénario de court-métrage avec deux classes de lycée :
Gourdou Lesseure de La Varenne Saint-Hilaire et Eugène Delacroix de Maisons Alfort.

En s’inspirant entre autres de photos, articles de faits divers, récits personnels cette double création a été l’occasion :

– À travers la découverte du travail de Lukas Hemleb sur Titus Andonicus représenté en novembre à la Maison des Arts de Créteil, de mener une réflexion sur les multiples visages de la violence et de la transgression qui s’expriment bien au-delà du geste barbare ou criminel (silence, indifférence, violence insidieuse et invisible), de s’interroger sur cet instant clef, fatidique, où tout bascule, et où l’homme revêt un visage animal.

– D’écrire une petite pièce en tenant compte des contraintes inhérentes à la manipulation des marionnettes.

– D’élaborer un synopsis à partir d’un thème collectif et créer des personnages.

– D’écrire un court scénario.

– De fabriquer des marionnettes avec de multiples matériaux, avec Maud Hufnagel marionnettiste. Comprendre le rôle ambigu du marionnettiste, qui n’est pas seulement une voix mais un comédien à part entière qui intègre la personnalité de son personnage. Appréhender les contraintes, les codes de jeu dramatique, les possibilités expressives que la manipulation induit pour l’acteur.

– De mettre en scène la pièce et de la jouer en public.

Ici, le texte de la pièce de théâtre de marionnettes

– À partir du premier acte de Titus Andronicus, écrire un nouveau synopsis puis écrire un scénario de court-métrage. Pour ce faire, l’histoire a été transposée dans les années 80, à Panama. Il est très intéressant pour les jeunes de s’inscrire dans un projet pluridisciplinaire et dans une dynamique artistique réelle :
Découvrir le travail d’un metteur en scène et de comédiens, être auteur soi-même d’un texte, accepter que d’autres acteurs du projet traduisent ce texte en expression théâtrale ou filmique, tout en suivant les diverses étapes de la création, de la naissance de l’idée à la représentation finale.

Ici, le scénario de court-métrage

ÉCRITURE ET ILLUSTRATION

La tête envolée, un exemple d’album créé avec la classe de CE2/ CM1 de l’école du Chemin Rouge de Catherine Arnaud, lors d’une résidence d’écrivain que j’ai effectuée dans la Loire entre l’hiver et le printemps 2009-2010, à Montbrison.

 

ÉCRITURE, POÉSIE ET COSMOGONIE

Les CE1 sont des poètes et des philosophes qui s’ignorent…
Plus que jamais cette histoire a été une aventure de création ; je dirai même une aventure SUR LA création, puisque le thème était « la création du monde », avec pour impulsion, le texte de Philippe Rousseau mis en scène par Véronique Chatard (Compagnie des Yeux Gourmands), joué à la Maison de Créteil le 4 et 6 juin 2004.
Pour aborder ce thème, creuset inépuisable d’inspiration, j’ai d’abord tentée de partir de divers contes mythologiques mais ils sont légion et il m’était impossible de nourrir une telle ambition, je risquais de m’égarer, de me noyer…
Comme l’astronomie me passionne, et en discutant avec les enfants, j’ai réalisé avec Pascale, l’enseignante, combien l’infiniment grand était une notion inconnue pour des enfants de huit ans et pourtant combien le mystère des mots Espace, Vide, Étoiles, Planètes les intéressait et les fascinait nous avons alors pris le thème par le petit bout de la lorgnette… astronomique

Les écritures
tantôt oscillant vers des recherches scientifiques
tantôt jouant sur la musique des mots que ces notions nous inspiraient C’est une sorte de petit conte poétique quelques « chansons » autour de thèmes. Les enfants ont fait preuve d’une étonnante aptitude à l’abstraction, en témoigne le passage sur le “RIEN”…
Les recettes
Tarte de galaxies et gâteau d’univers, le tout pour une grande tablée de 6 milliards de personne, voila de quoi se régaler à condition d’être patient, car la préparation dure très très longtemps…
Les images
Parallèlement à la création de notre histoire, Pascale s’est alors livrée de son côté à un énorme travail de documentation sur l’univers, les galaxies. Au fil des semaines, sur les murs ont fleuri des textes et des dessins de la Voie Lactée, Une véritable exposition qui a nourri l’imagination des enfants…

Et de la création du monde est né un autre monde : une histoire, Big Bang, etc.

 

ÉCRITURE ET POLAR : NOUVELLES POLICIÈRES

La nouvelle policière est un des genres complexe à aborder.
Trouver une victime, un assassin ou voleur, une énigme, un mobile, des indices, sans verser dans le poncif et le cliché est acrobatique. Surtout lorsque l’auteur ne dispose de peu de temps pour mener à bien… une enquête et un texte.
Initié par La Maison des Écrivains, dans le cadre du programme de l’Ami Littéraire, ce projet de nouvelles n’aurait jamais pu être conduit sans une collaboration étroite et active avec les deux enseignants, Bernard et Dominique. Je crois que la force de ces deux textes réside notamment en la présence de personnages bien campés, plein d’humour. Une chose est sûre : lorsque la mayonnaise prend, le résultat est étonnant.

Un étrange mariage
Écrit avec des enfants de CE1 de l’école de la rue de Vaux, de Melun (enseignant : Bernard Autret). Lorsque le choix s’est porté sur une scène de mariage, je n’avais pas mesuré toutes les difficultés. Résoudre l’énigme d’une disparition en une journée et en quasi-huis clos (une salle de mariage) relevait du défi, en particulier à cause de la multiplicité des personnages. Pour éviter cet écueil, j’ai eu l’idée d’utiliser des Playmobil. Les enfants ont ainsi construit une maquette du plan des tables et défini où se situait chacun des personnages au moment de la disparition. Une aide précieuse et concrète.

Le mystère de Cloisis
Ecrit avec des enfants de CE1 de l’école Jacqueline Auriol de Montereau-sur-le-Jard (enseignante : Dominique Bouvet)
Contrairement à l’histoire précédente, celle-ci s’étale sur un plus long laps de temps et est construit sous la forme d’un journal que tient l’héroïne.

 

ÉCRITURE, HISTOIRE ET LÉGENDE LOCALE

Une aventure particulière : le projet de La Dame en bleu, aussi à l’initiative de La Maison des Écrivains et réalisé dans le cadre du programme de l’Ami Littéraire.
Entremêlant éléments réels et imaginaires, Vincent Kaufmann à travers la légende de la Dame Bleue de Lieusaint, a revisité 3000 ans de l’histoire de la commune. Inspiré par le thème, Karim et Ben Mahmoud et Grégory Bozec ont alors réalisé un court métrage de 20mn, “Solstices”, qui met scène en scène un Louis XV envoûté par la mystérieuse fée et se désintéressant totalement des affaires du royaume. Sobre, le film restait suggestif et elliptique ; il ne présentait pas explicitement la rencontre entre le roi et la fameuse Dame Bleue.
La bibliothèque de Lieusaint m’a alors proposé la direction littéraire d’une nouvelle, avec des jeunes du collège de la Pyramide de Lieusaint, une nouvelle qui s’inscrirait dans l’ellipse du film et qui donnerait lieu à un autre court-métrage. L’occasion donner une vision fantasque de la monarchie, à travers les personnages de Louis XV, Choiseul, Quentin de la Tour et de la Marquise de Pompadour…

Lorsque Cécile Delhaye de la bibliothèque de Lieusaint m’a exposé le projet de la Dame Bleue, j’ai été enthousiaste pour diverses raisons :

– Il s’agissait de partir d’un récit filmique (le court-métrage Solstices de Karim Ben Mahmoud et Grégory Bozec) et de combler une ellipse du film. Je viens d’une formation cinématographique et la perspective de me replonger dans l’univers filmique me séduisait.

J’ai eu cependant une légère appréhension au départ : ce cadre n’était-il pas trop restrictif ? Imposer aux enfants des personnages et qui n’étaient pas de leur crû, qui plus est historiques, ne limiterait-il pas leur imaginaire ? Mais très rapidement, le cadre, au lieu de restreindre a offert des portes et s’est avéré un tremplin créatif très riche.

– Travailler autour d’un mythe local. Il faut rappeler que la Dame Bleue de Lieusaint est une légende bâtie de toutes pièces il y a quelques années par un passionné de jeux de rôles. Vincent Kaufmann a fait remonter ses origines aux Celtes et traverser les millénaires jusqu’à Delambre et Méchain ! Il est amusant de constater que le pouvoir créatif de cet homme fut tel que les habitants de Lieusaint ont littéralement intégré ce mythe dans leur imaginaire collectif. Cécile Delhaye m’a confié que certaines personnes venaient régulièrement chercher des informations sur cette mystérieuse Dame Bleue dans les documents de la commune…

– Intégrer des données historiques dans une création fictionnelle (la Cour de Louis XV) sans verser dans un catalogue artificiel et poncif.

Le point de départ fut une sorte d’enquête imaginaire. A quoi ressemblait et comment se manifestait la Dame Bleue ? Comment et par quels ingénieux subterfuges Louis XV pouvait-il tenter de la rencontrer à nouveau ?
Je leur ai rapidement suggéré de se glisser dans la peau du souverain – fou amoureux de la Dame Bleue – afin d’imaginer les mille et un moyens de la retrouver ou d’apaiser ses tourments. Comment décrire et donner chair à un personnage féerique ? L’occasion de creuser les champs lexicaux des cinq sens et de la lumière. Très vite, les élèves se sont appropriés le mythe, l’ont nuancé, parfois même malgré eux…
Un jeune particulièrement revêche au projet avait écrit, pensant me provoquer : “La Dame Bleue est moche, pleine de verrues. Si le roi se marie avec elle, il va pourrir”.
“Vraiment originale, ton idée”, lui ai-je dit. Tout le monde se la représente comme une fée sublime. Tu es le seul à avoir imaginé le fait qu’elle puisse apparaître différemment à chacun, suivant son état d’esprit. C’est ce qui a été à l’origine de la scène finale avec Choiseul… (cf le « lourd » texte que je vous ai envoyé…)

Un jeune anonyme (je leur demande souvent de ne pas écrire leur nom sur leur feuille, ils se livrent plus volontiers et cela évite la « cristallisation de la propriété littéraire » dans une création collective) avait écrit, en évoquant Louis XV obnubilé par la passion qu’il nourrissait envers l’inaccessible Dame Bleue : “Même ses maîtresses ne le satisfaisaient plus. Il alla jusqu’à demander à l’une d’elle de cacher son visage d’un masque et s’habiller de bleu lorsqu’ils faisaient l’amour.” Une phrase inattendue sous la plume d’un enfant de 11 ans, que j’intégrai à l’histoire.
A ma grande surprise, la lecture à haute voix (comme je le fais régulièrement au fil de la création littéraire ; l’oralité révèle plus facilement les “grumeaux” et les maladresses ) ne suscita aucune réaction. Il faut croire que le prétexte historique et le paravent de l’écrit leur permettent d’aborder certains sujets avec plus de distance…
Dès la deuxième séance, un jeune a suggéré d’introduire le personnage du peintre et d’un portrait magique : le personnage de Quentin de la Tour a été ajouté (il n’apparaît pas dans le film). Le texte a pris son envol entre Dorian Gray et la fée bleue de Pinocchio…

Il est intéressant de voir combien ces mômes, habitués aux vocables tronqués, simplifiés et anglicisés de notre époque, se sont spontanément ingéniés à user d’un langage recherché, voire « baroccoco ». Curieusement Royauté a rimé aussitôt avec complexité. Dans leur esprit, l’association historique et apparition magique a donné naturellement naissance à un récit au passé simple – aux accords souvent fantasques, mais qu’importe, l’intention y était -, à la syntaxe riche et au vocabulaire grandiloquent. Le personnage de Louis XV les a encouragés à partir en quête de mots de plus de trois syllabes, d’adjectifs peu usités et de superlatifs…

Le texte final est le résultat d’une compilation de plusieurs créations individuelles, car s’il y eut travail en groupes, il ne fut pas très concluant, il aplanissait trop les particularités. J’ai dû me résoudre à user de l’écriture « puzzle » .

Une grande satisfaction : j’ai peu l’occasion – temps restreint oblige – de pouvoir laisser les enfants (un petit groupe à chaque fois) se livrer à chaque séance, dictionnaires en main, à une relecture et corrections du texte en cours.
Ils ont mis du temps à en mesurer l’importance, mais ma ténacité fut payante : pour la première fois, les corrections majeures fut de leur initiative, tâche qui m’incombait trop souvent en fin de projet, dans l’urgence. Ils ont réécrit divers paragraphes, ôté des phrases inutiles, renoncé à quelques personnages superflus, traqué les incohérences et les répétitions, ajouté des précisions, etc.

La Dame Bleue a été créée avec le concours de Christelle Lautredoux, les jeunes du collège de la Pyramide de Lieusaint, ainsi que de Cécile Delhaye et de ses collaborateurs de la bibliothèque de Lieusaint.

Découvrir la Dame en Bleu.