Retour de Cherbourg

Il y a des festivals qu’on rejoint avec joie en courant
(surtout lorsque les trains désertent les rails)

Ils étaient tous là sur le pont
Tout l’équipage du Festival pour fêter la 31ème
Merci merci Emmanuelle, Gaela, Christelle, Anne
merci les bénévoles

La joyeuse bande retrouvée, certains déjà croisés l’an dernier
Marine Rivoal Rémi Courgeon Hélène Montardre Guillaume Nail Nicolas Poupon Jessie Magana Céline Le Gallo Jean-Baptiste de Panafieu Aurore Petit Nathaniel Legendre Paul Rouillac Florian Pigé Stéphane Husar Nathalie Minne Mika Mundsen Xavier Coste et puis Mélanie Decourt aussi

Des classes rencontrées autour de Krol au collège de la Glacerie et dans la salle de mariage de la mairie (soyons fous…)
Un hôtel d’Angleterre, une mouette-Pavarotti à 5h18
Des rencontres, des enfants, des petits, des grands
Des lectures dessinées, des expos, des murs de couleurs, des origamis
Le soir, une tablée, des bières ou du Sauvignon, c’est selon
De la godaille, un hypsignathe monstrueux, un constat de prosopagnosie,
des seiches, une histoire de biche, des projets, des envies
Des coups de soleils normands (si !)

Et un train
(tiens, il y en a un ?)
qui repart trop tôt

À Françoise Mateu

“Sigrid, un album, ce n’est pas un concept ! Il doit attraper le lecteur par la main et l’emporter”, m’avait-elle lancé un jour, alors que je lui apportais la énième version bancale d’un texte. “Tu vois cette chaise, là ? Eh bien imagine un môme de quatre ans dessus. Il faut qu’il y reste assis durant toute ton histoire. C’est aussi simple que ça.”
Sur ce, elle m’avait mis entre les mains un album de Peter Schössow, Mais pourquoi ??! qui racontait la colère et l’incompréhension d’une petite fille face à la mort de son canari, Elvis.
Elle savait que ça me parlerait, Françoise, une histoire de deuil traitée avec la délicatesse et le recul de l’humour. Elle faisait d’ailleurs souvent mouche, avec son regard malicieux d’éditrice, ses lunettes à formes variables, son rire et ses colères d’enfant gourmand.

Il y a quelques jours s’est éteinte une grande dame d’un mètre cinquante à qui je dois les fondations de l’auteur que je suis aujourd’hui.
C’est elle qui, un jour d’hiver 1998, m’a fait signer aux éditions Syros La découverte (au temps de la rue Abel Hovelacques…) mon premier roman En roues libres, au sein de la magnifique collection “Les uns les autres” lancée par Germaine Finifter. J’étais fière d’avoir bâti mon nid dans une maison engagée, ouverte sur le monde et les autres cultures.
Au fil de ses mille projets et expérimentations, elle a porté quinze de mes livres avec Caroline Drouault. Car Françoise portait la création d’un auteur dans son entiereté, brillant ou mat, elle était de celles et ceux (rares), qui adoptent un auteur et pas seulement un livre.
Elle m’a poussée parfois dans mes retranchements, elle n’a pas reculé lorsque je lui ai tendu le manuscrit de On n’arrête pas les comètes, qui abordait un thème pourtant âpre et me tenait à coeur. Aucun sujet ne lui faisait peur. Elle prenait les enfants pour ce qu’ils sont : des lecteurs exigeants et intelligents. “Ne m’explique pas que ton personnage est timide, trouillard, colérique ou paranoïaque” me répétait-elle, “mets-le en situation, en action, le lecteur est assez grand pour se faire sa propre opinion. L’auteur n’est pas là pour commenter, il est là pour montrer.”
Je suis partie plusieurs fois dans sa valise lorsqu’elle a voyagé de Syros-Nathan au Sorbier, puis au Seuil, avalé ensuite par Lamartinière.
Aujourd’hui, comme la gamine de Peter Schössow, je traîne mon sac.
Et je gueule  “Mais pourquoi ??!”